2019 © Dna – Mercredi le 03 Juillet 2019 – Tous droits de reproduction réservés
La conteuse et directrice artistique de Couleurs Conte, Nicole Docin-Julien a créé en ouverture du festival strasbourgeois, « Qui habite les songes ne meurt jamais », une formidable pièce musicale qui puise à la puissance créatrice des rêves et de l’imaginaire pour tisser nos existences.
Les notes de la conque musicale s’élèvent au coeur de l’église St Pierre le Vieux protestant et des langues venues d’ailleurs, s’ébruitent. De cette Babel linguistique surgit le magnifique titre de la nouvelle création de la conteuse Nicole Docin-Julien, Qui habite les songes ne meurt jamais, des mots empruntés au poète libanais Georges Schéhadé — un beau patronyme qui évoque l’immémoriale Shéhérazade.
Le musicien, Jean Lucas porte alors son trombone à coulisse aux lèvres et entraîne le public au pays des rêves, à l’écoute de mondes intérieurs, guidé par Nicole entourée aussi de Grégoire Deslandes (lutherie électronique, lecture et chant).
Nicole Docin-Julien accueille les songes, retisse les fils du visible et de l’invisible.
Dans un tressage subtil, la conteuse a écrit un texte original, une première, qui tisse différents fils : celui d’un écrivain qui dédicace au Salon du livre, à Paris, son livre Qui habite les songes ne meurt jamais, sa rencontre avec une mystérieuse lectrice, l’histoire d’un jeune naufragé Siméon livré sous forme de rêves consignés par l’auteur, mais aussi la légende de l’ermite Jafar. Les images portées par une écriture évocatrice délivrent de précieuses pépites à la belle symbolique.
À l’écoute de cette partition à trois voix et musicale, le spectateur ouvre son coeur rendu disponible par autant de « paroles sacrées », invité à lâcher le mental pour cheminer en ce temps « du commencement des choses où l’on savait tout ». Le naufragé est-il mort ? Sur la plage, l’entourent des pêcheurs et cette femme Josépha, qui a tout d’une devineresse. Avec des paroles ancestrales et inspirées, elle éclaire sa route intérieure « de souvenirs en avenir ». Siméon, c’est un nom de passage, dit-elle, tatouée à l’un de ses poignets, « la rose des vents qui se donne et ne peut se cueillir ». « Que choisis-tu, fils du silence ? ». Mourir ou renaître à la vie ?
Le pouvoir de la parole ancestrale, contée qui chemine jusqu’à nous.
Retour au Salon du livre, au côté de la mystérieuse lectrice qui semble en savoir plus qu’elle n’en dit sur l’écrivain et son livre. « Qui êtes-vous ? », finit-il par l’interroger. Quel est ce démiurge qui tisse ces existences de papier, de rêves, de chair et d’os ? Au-delà du monde visible, s’invite l’invisible et les perceptions augmentent, s’affinent dans une épiphanie réalisée. La rose des vents a fleuri sur le poignet du naufragé qui va renaître « sauvé des eaux ». Quant à la mystérieuse lectrice, on vous laisse le plaisir de la découverte.
« Le sombre n’est pas le noir », affirme l’immense poète René Char; transcendé par l’énergie de vie, il ouvre de nouveaux chemins d’existence.
Veneranda PALADINO Couleurs Conte se poursuit jusqu’au 7 juillet, entre Strasbourg et Lingolsheim ; tout le programme sur www.couleurs-conte.fr
Couleurs Conte se poursuit jusqu’au 7 juillet, entre Strasbourg et Lingolsheim ; tout le programme sur www.couleurs-conte.fr